Repères
Balade éditoriale …
Laissez-vous accompagner dans une balade éditoriale, destinée à baliser la question du monitorage des territoires. Cette balade s’effectuera en mobilisant les travaux des dix dernières années que je connais le mieux pour y avoir contribué ou les avoir menés.
Les documents présentés sont accessibles par le lien proposé. La quasi-totalité est téléchargeable gratuitement, parfois en créant un compte par exemple sur la boutique du Cerema.
Etape 1 : Trois séminaires sur la sécurité globale des territoires et la résilience urbaine
Comme premier étape de ce parcours, arrêtons-nous sur les trois séminaires organisés par le Cerema à Lyon, sous l’égide du ministère en charge de l’écologie, successivement en septembre 2016, octobre 2017 et janvier 2019. La force de ces rencontres destinées à clarifier les notions de résilience et de sécurité globale des territoires est d’avoir à chaque fois impliqué quarante à cinquante professionnels, experts et scientifiques d’horizons différents. Conduite par une équipe-projet, enrichie par des contributions individuelles, la réflexion collective a permis d’esquisser un cadre conceptuel et pratique, transdisciplinaire et partagé, pour aider à affronter les grands défis qui se posent aux territoires et aux métropoles.
Ces séminaires Cerema sont venus en appui des premières Assises nationales de la sécurité globale des territoires, qui se sont tenues à Lyon fin mai 2018, dans le cadre du salon PREVENTICA, sous l’égide du ministère en charge de l’écologie.
Séminaire franco-allemand Résilience urbaine et gestion de crise
Co-construit avec Juergen Weichselgartner, chercheur allemand en séjour scientifique à l’Institut des Etudes Avancées (Université de Lyon), ce premier séminaire s’est fixé comme objectif premier d’analyser les particularités des crises urbaines ou territoriales et d’identifier les conditions d’applicabilité du concept de résilience. Cette analyse préalable des mécanismes en jeu a montré l’importance de considérer le risque dans ses effets systémiques, dans sa capacité de muer, de muter et de changer d’échelle. Sauf à innover dans les réponses, les crises ont vocation à se propager de différentes façons au sein des territoires et des métropoles en jouant sur les fragilités du système territorial et urbain. Celui-ci est en effet vulnérable aux transformations socio-économiques, aux changements environnementaux, aux évolutions sociétales, au cloisonnement des organisations et plus généralement à une insuffisance d’anticipation d’effets non désirés.
Doter de la base conceptuelle précédente, ce deuxième séminaire a été co-construit avec Mathieu Maupetit (Cerema). Il a analysé des cas concrets : les inondations dans les Alpes-Maritimes en 2015, les incendies au Nord de Marseille en août 2016, la vulnérabilité de la boucle nord de la Seine à une crue centennale. En lien avec ces exemples, recouvrant des situations très différentes, des configurations critiques « typées » ont été identifiées : local, étendu, brutal, progressif). Chaque configuration appelle des caractérisations différentes. Plusieurs modes de réponse ont été identifiés pour constituer une future boîte à outils. Un premier cadre de référence des besoins à satisfaire a été produit. Il vise à intégrer les différentes échelles spatiales et temporelles, enrichir les liens entre les acteurs, assurer une veille anticipative, développer les capacités d’agir.
Concluant ce cycle de trois ans, le dernier séminaire a été co-construit avec Philippe Blancher, consultant en stratégies – environnement, risques et développement durable. Il a abordé la question des grands défis à relever par les territoires et les métropoles. L’objectif était encore une fois de travailler sur des cas concrets pour dégager des enseignements. Les travaux ont confirmé que les stratégies à déployer devaient s’inscrire dans une approche globale et multiscalaire, intégrant les effets systémiques. Celles-ci doivent apporter de la plasticité dans les modes de faire, par exemple en recomposant les modes d’occupation de l’espace, en mobilisant des solutions alternatives, en organisant des fonctionnements en mode dégradé. Une nouvelle fois, les travaux ont mis l’accent sur le besoin de relier les acteurs, de valoriser les initiatives prises au-delà de leur domaine d’emploi initial, d’articuler des outils relevant de registres différents. L’activation de toutes ces passerelles démultiplie les possibilités offertes par les approches sectorielles au titre des réponses à apporter en matière d’adaptation et de résilience.
Etape 2 : les notions d’espaces sensibles et de points critiques
Comme étape suivante, je vous propose deux articles, l’un publié en avril 2019 dans le dossier « Transition et résilience, pour un nouveau paradigme urbain ! » de Construction 21, le média social du bâtiment et de la ville durable, l’autre publié en décembre 2019 dans le dossier n°9 « From resistance to resilience, Systems thinking about transitions, de la revue Acta Europeana Systemica.
Ce dernier article a été co-rédigé avec Richard Cantin, enseignant-chercheur à l’ENTPE. Une passion commune nous a rapprochés ces dernières années, celle de l’approche systémique.
Ces articles présentés ci-après explicitent les notions de résilience des villes et des territoires en y associant les notions d’espaces sensibles et de points critiques qui me semblent essentielles si l’on veut adopter une approche systémique incontournable pour traiter des changements globaux.
On parle aujourd’hui de résilience des villes : de quoi s’agit-il ?
Traitant de la résilience urbaine, l’article invite à rechercher des mesures à effet-levier positif. Par exemple, la place à donner au végétal dans le devenir des villes est reconnue aujourd’hui comme un élément majeur de la résilience. Promouvoir ce type de leviers en s’appuyant sur des effets d’échelle constitue un véritable changement de paradigme, car les découpages institutionnels et professionnels incitent chacun à œuvrer isolément de façon relativement homogène dans son périmètre de compétences suivant le modèle logarithmique, là où le modèle heuristique s’imposerait collectivement.
La résilience des territoires : Proposition d’un cadre d’étude systémique
Dans le contexte des changements globaux, la vulnérabilité des territoires est associée à deux types d’espace. L’un que je qualifie de « d’espaces limites », l’autre que je qualifie de points critiques. Les premiers sont des espaces où l’urbanisation se confronte fortement à l’environnement physique. Les seconds génèrent, en cas de rupture, des effets importants sur le système territorial et urbain dans son ensemble. C’est en traitant « espaces limites » et « points critiques » que l’on peut éviter des désordres majeurs pour les populations et les activités et l’atteinte aux fonctions vitales.
Etape 3 : trois approches pour aborder la résilience aux inondations
Trois documents ci-après (deux articles et un guide national) permettent d’aborder une nouvelle étape, celle qui de la résilience aux inondations.
Co-rédigé avec deux géographes de haut niveau, Patrick Pigeon (Professeur d’Université, université de Savoie-Mont-Blanc) et Julien Rebotier, chercheur, un premier article explicite les apports et les limites de la résilience dans la prévention des désastres. Le cas traité est celui de l’inondation. Je dois remercier ces deux scientifiques pour cette publication de janvier 2018 dans les Annales de géographie à laquelle j’ai eu la chance de participer et pour l’attention qu’ils ont portée à mon approche de gestionnaire.
Le deuxième article est celui de Fabien Rival et al sur la résilience des quartiers aux inondations. Publié en octobre 2017 à l’occasion d’un colloque de la SHF, cet article traite d’un sujet qui m’est cher : l’échelle du quartier dans le futur des territoires. Il synthétise des travaux menés sous la conduite de Fabien Rival (Cerema) en s’appuyant sur les études de cas d’Orléans, de Nîmes et de Neuville-sur-Saône.
Enfin, le référentiel national de vulnérabilité aux inondations est un guide édité en juin 2016 dans le cadre de la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation (SNGRI). Il a été élaboré par un travail partenarial entre l’État (Ministère en charge de l’écologie) et les collectivités (Cepri). Il a été rédigé par le Cerema dans le cadre d’un groupe de travail issu de la commission mixte inondation (CMI).
L’article de Pigeon, P., Rebotier, J. & Guézo, B. : « Ce que peut apporter la résilience à la prévention des désastres : exemples en Lavours et en Chautagne (Ain, Savoie) » justifie l’intérêt et les limites du recours à la notion de résilience, tant pour la recherche que pour la gestion, dans le domaine de la prévention des risques de désastres. Pour ce faire, il mobilise deux sites près du Rhône où l’aléa inondation est comparable (différencié, mais présentant des points communs), l’un à Culoz, près des marais de Lavours, et l’autre en Chautagne, sur la commune de Chanaz, mais où le risque d’inondation est géré de manière opposée. La compréhension du contraste de gestion et de peuplement observé révèle la recomposition de trois approches types de la prévention qui sont : aléa centré, approche territorialisée des risques, et résilience. L’intrication de ces approches successives permet de comprendre pourquoi il peut y avoir autant de définitions différentes de la résilience, leur caractère possiblement contradictoire, et les nombreuses contestations de la notion. Mais elle permet aussi de défendre pourquoi une approche intégrée de la résilience est utile à la compréhension des risques de désastres, tout autant qu’à la gestion. Ainsi envisagée, la résilience permet d’expliciter les apports, en même temps que les limites, des politiques de prévention des risques de désastres.
Annales de géographie, 719(1), 5-28. https://doi.org/10.3917/ag.719.0005. date de publication janv. 2018 description de la publication Annales de géographie, 2018/1 (N° 719), p. 5-28. DOI : 10.3917/ag.719.0005
Quartiers résilients aux inondations-SHF-2017
L’article SHF « Quartiers résilients aux inondations : quand la résilience vient questionner la prévention en partant du niveau local » présente des travaux menés, avec le concours des communes, sur les villes d’Orléans, de Nîmes et de Neuville-sur-Saône. Les réflexions menées incitent à réinterroger les politiques de prévention à l’échelle locale, en mettant l’accent sur l’implication des acteurs et leurs interactions. Loin de remettre en cause les dispositifs existants, l’échelle du quartier inondable ouvre des perspectives en proposant de relier ces dispositifs en partant de l’échelon local.
L’activation de cet échelon constituerait en effet un levier puissant pour développer les capacités individuelles et collectives permettant de faire du citoyen le premier acteur de sa sauvegarde, en écho à la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004.
Référentiel national de vulnérabilité aux inondations
Le référentiel national de vulnérabilité aux inondations (2016) est un outil pour élaborer des plans d’actions visant à réduire les effets des inondations selon les trois objectifs de la stratégie nationale de gestion du risque (SNGRI) : améliorer la sécurité des personnes, réduire les dommages aux biens et améliorer le retour à la normale. Il permet d’établir un diagnostic partagé de vulnérabilité aux inondations, mobilisable aux différentes échelles, par exemples celles de la stratégie locale de gestion des inondations (SLGRI) ou de l’élaboration des programmes de prévention des inondations (PAPI).
Étape 4 : Deux territoires d’étude en Asie du sud-est : Indonésie et Vietnam, mettent en évidence les liens entre culture et résilience
Comme nouvelle étape de notre balade éditoriale, interrogeons les questions qui se posent en Asie du sud-est : Indonésie et Vietnam. Nous considérons ici encore deux articles. Le premier est relatif aux travaux menés par le Cerema avec l’Université Diponegoro – Undip pour identifier les processus à l’œuvre sur la bande littorale de l’agglomération indonésienne de Semarang (île de Java), en lien avec la dynamique d’urbanisation et le changement climatique. Ces travaux édités en 2019 (version en français) et en 2021 (version en anglais) ont abouti à proposer comme première étape d’un processus de résilience territoriale, la mise en place d’un observatoire de la subsidence et de ses effets. Ils ont bénéficié du soutien de l’Ambassade de France en Indonésie et des ministères chargés de la recherche et des affaires étrangères des deux pays (Partenariat Hubert Curien). Des scientifiques et experts qui sont intervenus sur le territoire de Semarang dans des contextes différents, ont apporté leur propre vision à l’analyse de la situation.
Publié en décembre 2016 dans la revue Vertigo, l’article « Culture, connaissance et réduction des risques de catastrophes : liens critiques pour une transformation sociétale durable » de Juergen Weichselgartner et al aborde la façon dont la culture et la connaissance contribuent à la réduction des risques de catastrophe. Il présente une approche conceptuelle qui permet de saisir les différents niveaux qualitatifs de la compréhension : les faits, les données, l’information, la connaissance et la sagesse. Tout au long de l’article, sont mobilisés des exemples empruntés au Vietnam afin d’illustrer des cas courants de pratiques culturelles, économiques et populaires qui prévalent sur les logiques institutionnelles en matière de réduction des risques de catastrophe.
Résilience du littoral indonésien aux risques naturels – Semarang et la subsidence
The Resilience of the Indonesian Coastline to Natural Hazard
Les littoraux sont des espaces fragiles exposés aux aléas naturels. Ils peuvent être intensément perturbés par le développement rapide de l’urbanisation et par les effets du changement climatique. C’est le cas de l’agglomération indonésienne de Semarang située en bordure de la mer de Java. La particularité de Semarang résulte de son exposition à une subsidence très active qui se traduit par un affaissement du sol pouvant atteindre dans la bande côtière jusqu’à 13 cm par an. Phénomène naturel, la subsidence est accentuée par l’activité anthropique : pompage de l’eau, surcharge des terrains, suppression de la mangrove. Du fait de la subsidence et aussi de la rehausse du niveau marin, la bande littorale est envahie par l’eau de mer.Après plusieurs années de travail avec l’université Diponegoro, les travaux du Cerema ont abouti à la proposition de mise en place d’un observatoire de la subsidence et de ses effets impliquant les acteurs locaux et l’ENTPE, les travaux du Cerema ont été menés avec l’appui de l’Ambassade de France en Indonésie, dans le cadre du Partenariat Hubert Curien (Programme Nusantara).
L’article montre que les politiques et les pratiques concernant la réduction des risques de catastrophe dépendent largement des spécificités socio-culturelles et des connaissances qu’en ont les individus. Bien que la culture et le savoir soient des facteurs essentiels pour réduire ces risques, ils sont rarement traités ensemble de façon systématique et approfondie, que ce soit dans les études ou les programmes d’actions.
Juergen Weichselgartner, John Norton, Guillaume Chantry, Emilie Brévière, Patrick Pigeon et Bernard Guézo, « Culture, connaissance et réduction des risques de catastrophe : liens critiques pour une transformation sociétale durable », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 16 numéro 3 | décembre 2016, mis en ligne le 20 décembre 2016, consulté le 18 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/18130 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.18130
Étape 5 : les études exploratoires menées dans le cadre de différents chantiers
La résilience aux risques industriels : la recherche-action Resirisk conçue et réalisée par l’agence EDEL, dans le cadre d’une convention intervenue entre cette agence et l’association AMARIS. Son objet est de montrer comment la résilience peut contribuer à la pérennisation et au développement d’activités économiques situées en zone de risque industriel, dans une perspective d’amélioration de l’aménagement global des territoires.
Dans le cadre du chantier « Territoires robustes » mis en place en 2012, le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) a engagé différents travaux. Deux démarches exploratoires sont rapportées ici.
Première démarche : Villes et territoires résilients. Cette réflexion prospective sur le thème de la résilience des villes et des territoires aux chocs aux glissements défavorables de différentes natures (déprise économique, déprise démographique etc.) s’est déroulée de 2012 à 2014. Elle a bénéficié du différents concours et notamment : les Agences d’urbanisme de l’Agglomération stéphanoise (EPURES) et de l’arrondissement de Béthune (AULA), les écoles : ENTPE et Institut d’urbanisme de Lyon. Il convient de souligner la portée de l’éclairage apporté par Pascal Van Acker, directeur de l’AULA sur le cas du bassin minier de l’Artois.
Seconde démarche : l’analyse intégrée de la résilience des territoires aux catastrophes (AIRT). Cette démarche également initiée en 2012 visait à expliciter la notion de résilience territoriale en s’appuyant sur des visites de terrain destinées à rencontrer les acteurs locaux et mettre en exergue leurs pratiques.
Les territoires abritant un tissu industriel figurent parmi ceux dont les spécificités très fortes justifient le recours à la notion de résilience. Des mutations économiques, sociales et environnementales les affectent particulièrement. Reconsidérer la relation des industries au territoire et des territoires aux industries, sous l’angle de la résilience, ouvre des perspectives de renouveau, bénéfiques aux différentes parties en présence. Traitant de cette question, l’ouvrage « De la prévention du risque industriel à la résilience des activités économiques Vers une démarche de territoire » rend compte de la recherche-action Resirisk menée par l’agence EDEL. Il s’est focalisé sur la question des zones d’activités économiques exposées au risque produit par les établissements Seveso seuil haut.
Cet ouvrage dont les auteurs sont Claudia Basta (chercheuse à l’université de Wageningen aux Pays-Bas), Sandra Decelle-Lamothe (experte en risques majeurs, présidente de l’Agence EDEL), Emmanuel Martinais (ENTPE) est original dans sa construction puisqu’il propose de considérer la prévention du risque industriel induit par les établissements Seveso seuil haut dans une succession d’échelles : l’échelle européenne d’abord, qui a fixé les grands principes à respecter par les différents États membres pour réduire l’exposition au risque des territoires, l’échelle française ensuite qui s’est appliquée à franchir une nouvelle étape supplémentaire pour réduire la vulnérabilité des territoires, l’échelle locale enfin où des territoires se sont attachés à expérimenter la résilience.
Résilience des territoires aux catastrophes (AIRT)
Des territoires comme la Somme après les inondations de 2001, Toulouse suite à l’explosion d’AZF, ou le bassin de l’Argens après les inondations dans le Var en 2010, notamment, ont été observés sous l’angle de la résilience. Divers enseignements ont été retirés de cette étude. Le document (2017) présente l’analyse de ces enseignements, d’après différents volets de la résilience territoriale : la vision globale du territoire et le projet de territoire, l’anticipation des événements, la mise en relation des acteurs, la capacité à agir et la prise en compte du changement climatique.
Villes et territoires résilients
Le document de synthèse (2015) présente le contexte dans lequel le projet « Villes et territoires résilients » est intervenu, celui des fragilités urbaines produites par l’urbanisation des territoires dans le contexte de la métropolisation. Faire face aux difficultés de villes ou de territoires exposés à des chocs ou connaissant des évolutions défavorables est un défi posé à la ville durable, qu’il faut relever. Recourir à la résilience est une façon de contribuer à l’établissement de solutions adaptées à de telles situations. Il explicite ensuite le cadre d’analyse du projet « Villes et territoires résilients » et les analyses effectuées sur des cas nationaux et internationaux.
Des enseignements sont tirés quant au recours à la résilience, en termes d’opportunités, de pertinence et de précautions d’emplois. Des éléments de méthode sont proposés pour bâtir des stratégies territoriales. Des pistes sont données pour assurer des développements nécessaires que ce soit en matière d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation des stratégies.
Résilience territoriale : le modèle du bassin minier de l’Artois
La crise a contraint le bassin minier de l’Artois à bouger, c’est-à-dire, comme l’a souligné Jean-François Caron, le maire de Loos-en-Gohelle, à affronter une addition de difficultés. De ce point de vue, la crise a offert des possibilités de « mise en mouvement».
Mais dans quelle direction agir lorsque le cadre ancien a disparu et qu’un cadre nouveau n’est pas là ?
En s’attelant à cette question, l’agence d’urbanisme de l’Artois (Aula) s’est attachée à identifier les processus de transformation à l’œuvre au sein du territoire minier. Elle a ouvert des pistes pour structurer une ingénierie d’appui à la construction de stratégies et produire des éléments de méthode pour aborder la question de la résilience territoriale.
Revue Préventique n°146 Mai 2016, p. 46-47
Etape 6 : la gestion des risques se doit d’être collective et d’impliquer toutes les parties prenantes
Encore une étape importante sur la question de la gestion collective des risques. Nous l’aborderons par deux chantiers menés l’un sur l’évaluation d’un document prescriptif, l’autre sur le scénario du retour d’une inondation de référence. Les ouvrages rendant compte de ces chantiers ont été publiés en 2014 par le Cerema.
Le premier chantier est un séminaire co-organisé par la commune de Neuville-sur-Saône, l’AFPCN et le Certu, les 22 et 23 janvier 2009 sur le scénario d’un retour de la crue de la Saône du 23 janvier 1955. Que se passerait-il si cette crue survenait à nouveau alors que l’occupation du territoire a totalement changé et comment se préparer collectivement ?
Le second chantier a été mené par la DEAL de Martinique avec l’appui du bureau d’études SCE. Il s’agissait préalablement à la révision des PPRN, d’évaluer l’efficacité des anciens PPRN. La démarche a conduit à associer l’ensemble des parties prenantes de l’île dans un séminaire collectif où chacun pouvait s’exprimer.
Gestion des secours et prévention des risques
Le séminaire de Neuville-sur-Saône s’est donné pour fil conducteur le renforcement des liens entre la prévention des risques et la gestion des secours. Ce rapprochement a été recherché au travers d’un scénario de retour de la crue de référence d’occurrence centennale. Le séminaire a rassemblé des acteurs de l’aménagement : élus, agents des administrations, techniciens du bâtiment, architectes, urbanistes, etc. et des professionnels de la gestion des risques : services territoriaux de l’état, service de défense, d’incendie et de secours (SDIS), assureurs, etc. L’objet de la rencontre n’était pas la gestion de l’événement elle-même. Il s’agissait de partir d’une situation de crise imaginée pour identifier les vulnérabilités puis pour envisager les mesures ou actions de nature à réduire les dommages et les perturbations.
Les propositions montrent l’importance d’articuler les échelles et les différentes natures d’intervention, de relier le registre de la prévention et celui de la préparation à la crise, enfin de favoriser une action collective appuyée sur des relais multiples.
De l’évaluation des PPRN à la résilience aux risques naturels. L’exemple de la Martinique.
Outre les enseignements apportés, l’évaluation d’un document prescriptif est un moment privilégié pour entreprendre un travail collaboratif sur la gestion des risques. Ce moment peut être conçu comme un processus de mise en relation de différentes collectivités publiques mais aussi de professionnels intervenants dans des champs d’activité où la question de la prévention mérite d’être intégrée : l’aménagement, la construction, la gestion des déplacements…première
Les communes de Martinique sont toutes couvertes par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) couvrant l’ensemble des aléas naturels, exception faite de l’aléa sismique donnant lieu à PPR sismique. La DEAL de Martinique a engagé en 2011, avec l’appui du bureau SCE Aménagement et Environnement (Nantes), une démarche d’évaluation de la première génération des PPRN préalable à leur révision. En lien avec le bureau SCE, le Cerema a effectué un retour d’expérience de cette démarche.
En plus de son objectif d’amélioration des documents eux-mêmes, la démarche d’évaluation illustre la possibilité qu’offre le PPRN, au-delà de sa fonction première de régir l’occupation du sol dans les secteurs exposés aux risques naturels de relier les acteurs pour activer la résilience aux risques naturels.
Etape 7 : Vers un monitorage des territoires
Le monitorage des territoires est une proposition pour doter les territoires d’un cadre propice à leur résilience pour anticiper les changements globaux. Cette approche ne se veut pas universelle mais une proposition, fruit d’une expérience et d’une réflexion murie sur le sujet. Elle peut être utile pour assurer la continuité d’activités en situation perturbée (novembre 2021). Le MOOC du conseil départemental de Gironde (mars 2021) propose ainsi de croiser 7 regards d’expertes et experts sur la résilience, dont celle proposant le monitorage des territoires, pour se transformer et relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
Nous terminerons cette balade par la thèse de géographie que j’ai soutenu en décembre 2012 sous la direction de Patrick Pigeon. Cette thèse revisite à l’aune de la science géographique mon vécu dans les territoires et ma pratique des risques. Elle propose d’adopter une démarche de monitorage des territoires exposés aux risques de différentes natures et intensités. C’est au contact direct des territoires et de leurs infrastructures, en services déconcentrés de l’État, que ma pratique du métier d’ingénieur s’est forgée. Des expériences variées m’ont permis de pratiquer les notions de complexité, de risques et de crises de toutes natures. Au Certu, elles m’ont incité à développer une approche territoriale des risques avant de m’engager dans une approche plus systémique de la question des territoires et des risques.
Je dois tant à Patrick Pigeon de m’avoir accompagné dans mes recherches et réflexions !
Entretiens du risque IMDR 2021 : la continuité d’activités, de la planification au monitorage.
Jusqu’à un passé récent, la gestion des risques recouvrait un ensemble de techniques destinées à maîtriser par
la planification les effets dommageables d’aléas souvent stables et bien identifiés. Impactant de nombreuses configurations géographiques, les changements socio-écologiques en cours invitent à dépasser cette gestion pour l’intégrer dans une approche dynamique. C’est le cas de la continuité d’activités appelée à être considérée comme un processus participant pleinement de la résilience des organismes comme des territoires à des perturbations de différentes natures. La continuité d’activités pourrait prendre la forme d’un dispositif de monitorage permettant, au-delà de la réponse planifiée à un choc, d’interroger les usages voire les fondements mêmes de l’activité. Les méthodes à développer en ingénierie doivent intégrer les changements, l’action collective, les interdépendances entre les activités, les effets imprévus des perturbations.
Le MOOC Résilience territoriale du conseil départemental de Gironde s’inscrit dans un contexte de crise environnementale, sociale et économique, d’autant plus fort au regard de la crise sanitaire vécue. Cette formation en ligne est l’opportunité de participer à une dynamique de communauté apprenante sur la notion de résilience mais aussi sur sa capacité transformatrice. Trois chapitres :
- Le premier chapitre propose 9 regards croisés d’expertes et experts : climat, accélération des risques, biodiversité, santé environnementale, vulnérabilités, sciences comportementales, inégalités, coopérations et agenda 2030.
- Le deuxième chapitre (présenté ici) propose 7 regards croisés d’experts et expertes pour s’inspirer et relever les défis qui se posent à nous : risques, anthropocène, pratiques narratives, bien vivre, biomimétisme, communs et économie symbiotique.
- Suivra le chapitre 3 présentant des expériences résilientes éprouvées en France.
Le territoire-étagé : un outil d’ingénierie pour agir sur la vulnérabilité des espaces métapolitains
De longue date, l’ingénieur contribue à l’urbanisation des territoires et se préoccupe de protéger les lieux habités contre les aléas. Sa technicité croissante, les nombreux outils qu’il peut mobiliser, n’empêchent cependant pas des dommages de se produire, en relation ou non avec ces aléas. Les connaissances dont on dispose aujourd’hui montrent qu’une ingénierie des risques est plus que jamais nécessaire mais qu’elle ne peut agir comme un bouclier, à l’abri duquel l’urbanisation se développerait en toute sécurité. [•••] En proposant un outil d’analyse spatiale : le territoire-étagé, en le dotant d’une fonction – le monitorage – nous proposons une voie qui permette à l’ingénierie d’anticiper du plus possible le développement de processus dommageables [… ] l’ingénierie du territoire-étagé offre la possibilité d’agir en retour sur les pratiques de gestion pour espérer réduire, par la résilience, les perturbations ou leurs effets de différentes natures et intensités.
Cet article reconstitue pourquoi les chercheurs et les gestionnaires qui se penchent sur la prévention des désastres dans les aires métropolitaines tendent à mobiliser de plus en plus des notions et des outils plus intégrateurs, plus systémiques. Il s’agit des notions de résilience, de panarchie, comme de leur contrepartie plus gestionnaire, que représentent les systèmes de gestion de la connaissance. Pour ce faire, l’article rappelle les remises en cause des notions et des outils de gestion concernant tant les villes que les risques. Elles poussent à plus admettre l’existence de la complexité. On en déduit le renouvellement en cours des politiques visant à gérer les risques et les villes, qui résulte d’un long processus de maturation. Ces processus de fond peuvent également être justifiés à partir d’une étude de cas empruntée à l’aire métropolitaine lyonnaise, avec l’exemple de Givors. On espère montrer comment ces notions et ces outils liés à la complexité peuvent trouver leur justification au moins partielle par les limites des politiques prévenant les désastres, enregistrées a posteriori et observables sur le terrain.
Bernard Guézo et Patrick Pigeon, « Les défis liés à la prévention des désastres dans les aires métropolitaines : exemple de Givors dans l’aire métropolitaine lyonnaise (France) », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 14 Numéro 3 | Décembre 2014, mis en ligne le 27 avril 2015, consulté le 18 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/15842 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.15842