De la société du risque à celle de la sauvegarde

Les COP fragiles et héroïques signaux de l’urgence climatique

Comme les précédentes conférences climatiques onusiennes, celle de Bélem se heurte aux difficultés d’accorder les États sur une réponse à l’urgence climatique. Pourtant, les COP nous rappellent inlassablement que nous sommes entrés dans l’ère de la sauvegarde. Sauvegarde de la Terre ou plutôt de l’Humanité.

Le changement climatique est en effet l’une des sept limites planétaires sur neuf dépassées. Ces dépassements nous font courir le risque de points de bascule des équilibres terrestres.

Cette situation critique invite à repenser en profondeur les modes de vie et de développement. L’exigence morale est celle de la transmission aux générations futures du patrimoine hérité des générations passées. Ce patrimoine est tout à la fois humain, naturel, bâti et plus globalement culturel.

Les menaces majeures portées à l’habitabilité de la planète sont multiples, souvent interconnectées. La préoccupation de la sauvegarde peut par conséquent être abordée de diverses façons. Elle peut être portée dans de nombreux champs d’activité ou de gestion, traitée à différentes échelles.

Coucher de soleil, juillet 2025, photo B. Guézo

Parmi ces menaces figure l’intensification des événements catastrophiques. Lors de tels événements, l’impératif de sauvegarde prend tout son sens. Il faut en effet – dans l’urgence et en conditions extrêmes – tenter de sauver ce qui peut l’être. Il faut colmater des brèches qui n’ont pas été préalablement combattues.

Or, transmettre les patrimoines dans leur diversité impose de faire de la sauvegarde, tant la clé de voûte de la gestion des catastrophes qu’une valeur sociétale partagée. La sauvegarde conduit en effet à interroger les priorités qui régissent nos activités, collectives ou individuelles. Elle nous invite à les orienter vers cette transmission générationnelle.

Partant du prisme des dispositifs d’alerte, cet article invite à considérer la société de la sauvegarde qui s’impose à nous. Il propose de pratiquer ce que le philosophe Thierry Paquot appelle le ménagement [1], ou encore d’investir ce que l’urbaniste Yoann Sportouch appelle l’urbanisme du care [2].

Sauvegarder le vivant, le patrimoine culturel, le vivre ensemble

Il y a bientôt 40 ans, le sociologue allemand Ulrich Beck ouvrait les yeux sur la société du risque. Celle-ci est advenue sans que les populations en aient pris pleinement conscience [3]. Le fait est qu’en 1986, l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl concrétisait cet avènement. Affectant d’abord les plus vulnérables, la société du risque se substituait alors à une société du manque. Celle des pénuries de biens essentiels vis-à-vis desquelles les générations antérieures devaient se prémunir.

Alors même que le spectre des pénuries refait surface, nous avons dépassé ce stade de la société du risque. Il nous faut certes plus que jamais composer avec les risques. Il nous faut aussi affronter collectivement la sauvegarde de ce qui est majeur : le vivant, le patrimoine culturel, le vivre ensemble. Ce capital traduit notre humanité. Il conditionne aussi notre capacité à assurer les besoins fondamentaux de l’Humanité en matière d’habitat, d’alimentation et de santé.

Sans être la seule forme de menace, les événements catastrophiques pèsent sur ce capital. Lors de leur survenue, l’aptitude à diffuser très rapidement et de façon compréhensible des messages d’alerte est essentielle. L’avènement des nouvelles technologies semblait rendre l’exercice facile.

Or, les dispositifs d’alerte se révèlent fragiles. Ils sont pourtant le rempart ultime pour sauvegarder ce qui peut l’être des conséquences d’une catastrophe. Ils sont la clé de voûte de la gestion des risques.

Ces difficultés à nous prémunir d’un danger imminent nous invitent aussi à reconnaître la sauvegarde comme préoccupation sociétale majeure, Une préoccupation mobilisatrice aux différentes échelles d’action jusque l’échelle planétaire.

L’incendie de Notre-Dame

Les cathédrales sont emblématiques d’impératifs de sauvegarde. Ces édifices sont tout à la fois vivants, puisque affectés à une activité cultuelle, et dotés d’une forte dimension patrimoniale. Leur caractère souvent remarquable fait de leur sauvegarde un enjeu majeur. Cette question se pose en termes de restauration. Elle se pose aussi sous l’angle des risques encourus : incendies, actes de malveillance, sur-fréquentation, sous-entretien, etc.

La cathédrale de Paris est la plus prestigieuse de France. Outre son importance pour les fidèles catholiques, elle fut le réceptacle des moments les plus forts de l’histoire nationale. Sa renommée est en outre internationale.

L’incendie qui la détruisit le 15 avril 2019 survint alors que des travaux de restauration de la charpente étaient justement en cours. Retransmise en direct sur les écrans, la catastrophe suscita une forte émotion en France. Elle eut un retentissement majeur au-delà des frontières.

L’événement a été analysé sous l’angle de l’alerte par l’essayiste et philosophe franco-italien Raffaelle Alberto Ventura [4]. Les sapeurs-pompiers de Paris réussirent à limiter les dommages. Leur intervention fut cependant pénalisée par le délai d’alerte qui prendra 30′. Lorsque l’alerte fut donnée, les flammes commençaient à être visibles de l’extérieur de la cathédrale. Les précieuses minutes perdues auraient peut-être permis de circonscrire davantage l’incendie.

L’analyse établit que la cathédrale était équipée d’un dispositif technique d’alerte incendie sophistiqué. De nombreuses personnes avaient œuvré pendant plusieurs années à sa définition (1). Lorsque l’incendie s’est déclenché, ce dispositif a informé immédiatement l’agent de permanence dans la cathédrale.

Cependant, si l’information fut transmise, le texte du message électronique fut objectivement difficile à interpréter (2). En outre, l’agent récepteur de l’alerte exerçait depuis quelques jours seulement dans la cathédrale. Les lieux ne lui étaient pas familiers. Enfin, la cinétique d’inflammabilité du bois de charpente avait été sous-estimée.

Pour l’auteur de l’analyse, la partie humaine d’un tel dispositif d’alerte doit être considérée comme une composante technique du système. Elle doit être traitée avec la même rigueur que la partie technologique. Pour autant, ceci n’implique, ni de tout automatiser, ni de mettre en place des procédures trop rigides.

Le cas de la cathédrale Notre-Dame nous montre, d’une part que la composante technologique du dispositif d’alerte comportait des imperfections, malgré l’attention qui y avait été portée, d’autre part que sa composante humaine n’avait pas été investie avec le même niveau d’exigence.

L’auteur mentionne que vouloir fiabiliser totalement un dispositif d’alerte se heurte à la réalité des financements disponibles. Dans le cas des cathédrales, les ressources propres sont limitées. En effet, l’accès est gratuit, justifié par leur vocation au libre accueil sans qu’il soit possible et pertinent de distinguer entre les visiteurs et les fidèles.

Par ailleurs, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, la cathédrale Notre-Dame est victime de la complexité de sa gestion et d’un « enchevêtrement des responsabilités » [5]. En outre, elle est l’objet d’une fréquentation annuelle très importante. Les questions de sécurité incendie interfèrent avec celles d’accueil du public, d’entretien, de sûreté et de restauration.

Au final, la reconstruction elle-même aura galvanisé la dynamique de sauvegarde de la cathédrale Notre-Dame. Cette dynamique fut d’abord celle de l’héroïsme des pompiers. Elle fut ensuite celle des dons financiers qui affluèrent du monde entier. Elle fut encore celle de la mobilisation collective des professionnels : scientifiques [6], entreprises, artisans, laboratoires et bureaux d’études. Sans oublier l’État qui créa un établissement public en charge de la conservation et de la restauration de la cathédrale.

Le vol des joyaux de la couronne

Les musées nationaux sont également des lieux emblématiques de la préoccupation de sauvegarde.

Les œuvres qui y sont conservées sont des héritages précieux des civilisations passées ou de l’histoire nationale. C’est ainsi que le cambriolage du prestigieux musée du Louvre à Paris, survenu le dimanche 19 octobre 2025, a produit la perte d’un patrimoine majeur de l’histoire nationale, les joyaux de la couronne (3).

Comme chaque fois, la catastrophe révèle les vulnérabilités. Ici, les médias pointent les failles de sécurité d’un établissement abritant des objets de grande valeur. Parmi ces failles figure l’obsolescence dénoncée des systèmes d’alertes. Les débats se focalisent, comme souvent, sur la technologie et sur la recherche d’une responsabilité humaine. Ils conduisent à s’étonner que la sécurité d’un lieu aussi sensible ne soit pas garantie.

La question de la sécurité des œuvres du Louvre s’inscrit de fait dans une réalité bien plus complexe telle qu’elle ressort du récent rapport de la Cour des comptes [7].

Situé pour l’essentiel au cœur de Paris, l’Établissement public du musée du Louvre (EPML) gère en effet, dans un ensemble monumental historique, plus de 500 000 œuvres. Une petite partie seulement de ces œuvres (5,6%) est exposée au public. Il faut donc préserver, tout à la fois, le patrimoine bâti et l’ensemble des œuvres conservées. Or la physionomie du musée correspond encore aujourd’hui à celle d’un projet aujourd’hui trentenaire, celui du Grand Louvre.

Cette ancienneté structurelle pose des problèmes d’adaptation aux exigences contemporaines. Ainsi, depuis 30 ans, la fréquentation annuelle du musée a plus que doublé, passant de 4 à 9 millions de visiteurs. Les attentes du public, les techniques et les normes évoluent en permanence. De nouvelles contraintes apparaissent comme celle de l’adaptation au changement climatique.

Si la fréquentation offre des ressources financières importantes, l’établissement est en revanche confronté à des défis multiples de gestion (4). Pour la Cour des comptes, ces défis confrontent l’établissement à un « mur d’investissement à réaliser ». A défaut d’assurer une hiérarchisation des projets, la multiplication de ceux-ci fragilise leur aboutissement.

Par ailleurs, le Louvre est confronté à une diversité de risques qui ne peuvent être considérés indépendamment les uns des autres. On peut citer la sûreté, la malveillance, l’incendie, les dysfonctionnements techniques, l’inondation par débordement de la Seine, les canicules.

Or la forte croissance de la fréquentation accélère l’obsolescence des infrastructures techniques sans que le rythme des investissements ne permette d’y remédier. Tenaillée par un impératif d’excellence, la modernisation de la gestion des risques peut s’enliser dans la durée (5).

En outre, cette gestion peut nécessiter des réponses structurelles. C’est ainsi qu’a été ouvert au public, en 2019, le Centre de conservation du Louvre à Liévin (CCL). Si ce site constitue un pôle territorial de développement culturel, sa justification première est de décharger le site parisien d’œuvres potentiellement exposées au risque d’inondation.

La Cour des comptes invite par conséquent l’établissement à reconsidérer ses priorités. Il s’agirait de privilégier la restauration des bâtiments, l’entretien et la sécurité des lieux, la fréquentation par un public francilien sur les opérations de nature certes à renforcer le prestige international du musée mais aussi à le fragiliser.

En définitive, l’analyse du cas du Louvre montre que, pour un système complexe, la sauvegarde des intérêts vitaux peut devenir une valeur cardinale de son pilotage. Ne pouvant être validement assuré au seul niveau de la gestion, l’impératif de sauvegarde doit orienter au plus haut niveau les différentes finalités que le système se donne.

Les inondations de Valence (Espagne)

Les territoires diffèrent bien évidemment des organisations. Pour autant, les conditions de leur sauvegarde face à un événement extrême sont aussi celles d’un système complexe. Cette complexité provient en particulier d’acteurs multiples intervenant à des échelles différentes et selon des compétences distribuées. En outre, les impératifs de sauvegarde sont d’abord humains. Sans toujours en être consciente, la population est exposée dans son lieu de vie à différents types d’aléas : naturels, technologiques ou encore sanitaires.

Ces aléas peuvent, pour certains, être amplifiés par les changements d’échelle planétaire. Ainsi, le changement climatique intensifie les événements extrêmes. Ce fut le cas lors des inondations catastrophiques survenues en Espagne, au sud de Valence, le 29 octobre 2024 [8] (6). Cette catastrophe de grande ampleur mérite d’être interrogée sous l’angle de la sauvegarde.

Ces inondations ont en effet dramatiquement affecté la population. Le bilan humain fut extrêmement lourd puisqu’il s’établit à 224 morts et 3 disparus. Là aussi, la question de l’alerte a été dramatiquement posée puisque celle-ci est intervenue après l’essentiel du désastre. Cette question cristallisa les très fortes tensions sociales qui suivirent la catastrophe.

Dans un rapport flash, l’Association française de prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT) a effectué une première analyse de cet événement (7). Outre la question de l’alerte, ce rapport mit en évidence une culture du risque insuffisamment développée, une absence de préparation à ce type d’événement et un aménagement du territoire ayant fortement accru la vulnérabilité aux inondations en périphérie de la ville de Valence.

Dans un article récent [9], une équipe franco-espagnole de scientifiques analyse de façon approfondie le contexte de l’alerte. À partir de données rendues publiques, l’article reconstitue la chronologie des faits. Il tire des enseignements utiles en prévention de futurs événements. Il met en évidence une gestion de l’alerte entachée de dysfonctionnements (8).

Les auteurs préconisent d’investir en recherche le sujet de l’alerte, en particulier sous l’angle du contenu des messages à véhiculer. Ils invitent à établir et à diffuser un diagnostic partagé du risque sur le territoire. Ils préconisent de travailler la prévention, la préparation et la coordination des acteurs.

Au-delà de la nécessité d’intégrer l’alerte dans une gestion globale du risque d’inondation, la catastrophe de Valence invite à reconsidérer les choix structurels faits en matière d’aménagement.

Aux anciennes Huerta agricoles de la région de Valence, l’urbanisation des dernières décennies a en effet substitué un emboîtement d’aménagements fonctionnels (9). Or, contrairement aux Huerta, ces aménagements n’ont pas assuré une gestion respectueuse des cycles de l’eau. Sans que cela soit spécifique à la région de Valence, les choix effectués ont négligé la sauvegarde des patrimoines tout à la fois humain, naturel, bâti et plus globalement culturel. La catastrophe le rappelle.

Comme ce fut le cas pour la cathédrale de Paris, une dynamique ambitieuse de relèvement serait nécessaire pour régénérer, avec la population concernée, les qualités patrimoniales de ce territoire.

Vers le ménagement des territoires

La catastrophe valencienne invite à faire de la sauvegarde une valeur cardinale de la gestion territoriale. Il s’agit de transformer les territoires pour qu’ils régénèrent leurs qualités patrimoniales.

Ce faisant, les territoires réduiront leur vulnérabilité aux catastrophes. Ils contribueront aussi à freiner les changements globaux d’échelle planétaire. Ceci au bénéfice du proche avenir et des générations futures.

La sauvegarde désignait à l’origine un garde-corps en cordage à bord d’un bateau. Le terme désigne aujourd’hui, plus communément, le stockage des données informatiques sur un support de secours. En France, les collectivités territoires se dotent de « plans de sauvegarde » destinés à limiter les effets d’une crise sur leur territoire et à répondre aux besoins de la population sinistrée.

Ambassadrices peu écoutées de l’urgence climatique, les COP nous invitent à investir bien au-delà cette question de la sauvegarde. Elles nous incitent à faire de celle-ci une valeur cardinale partagée aux différents niveaux. Le changement climatique menace les patrimoines humain, naturel, bâti et plus globalement culturel. Or il n’existe pas de seconde planète sur laquelle sauvegarder ce patrimoine.

Lorsque des événements catastrophiques à forts enjeux humains ou patrimoniaux se profilent, les dispositifs d’alerte sont en première ligne. Leurs fragilités éclairent très concrètement sur les transformations sociétales à conduire pour éviter de faire de ces dispositifs le seul rempart face aux désastres. Un rempart parfois condamner à l’impuissance.

La question de la sauvegarde déborde de l’alerte. Elle déborde aussi de la gestion des risques. Elle doit irriguer les choix politiques d’aménagement. Confrontée aux évolutions climatiques, à Caen, la communauté urbaine a ainsi renoncé à un important projet d’écoquartier pour lui préférer un projet réversible (10)[10].

Le renoncement n’est pas la seule façon de sauvegarder un territoire des aléas qui peuvent l’affecter.

Sauvegarder le territoire, c’est aussi le « ménager », ce qui signifie pour le philosophe Thierry Paquot, l’habiter, au sens noble du terme, en prendre soin, économiser ses forces et ses biens, l’épargner [1]. Pour T. Paquot, il faut ménager « les gens, les choses, les lieux, le vivant ». Il faut pratiquer le ménagement urbain. Le ménagement est pour lui une régulation qui opère en fonction des forces en présence. Il faudrait aussi dire, corrélativement, des menaces ou des faiblesses en présence.

A l’échelle urbaine justement, l’urbaniste Yoann Sportouch milite pour un « urbanisme de care ». Pour celui-ci, la ville doit être conçue comme « un espace d’attention et de soin, en prenant en compte les humains, les non-humains et la planète dans leur globalité » [11]. 

Cet espace d’attention et de soin doit se mettre en place aux différentes échelles spatiales et temporelles. En Espagne, la ville de Valence était en 2024 primée capitale verte européenne. La même année, sa périphérie malheureuse a été balayée par les inondations meurtrières.

Notes de texte

(1) Ce dispositif technique d’alerte comprenait en particulier un système de détection de fumée à haute sensibilité (HSSD), le plus perfectionné disponible sur le marché.

(2) L’interprétation du message électronique fut objectivement difficile en particulier au niveau de la localisation du départ de feu. En outre, une partie du message correspondait à un code difficilement interprétable.

(3) Le vol des joyaux de la Couronne a suscité une forte émotion dans l’opinion publique en France et au-delà même des frontières. S’il n’a pas fait de victimes, l’événement produit une perte patrimoniale majeure, c’est-à-dire un préjudice inestimable qui va bien au-delà d’une monétarisation des pierres et métaux précieux qui ont disparu. Ce vol a été vécu comme une catastrophe nationale.

(4) Il faut tout à la fois assurer la sécurité du public et des œuvres, la qualité d’accueil, les conditions de travail satisfaisantes des agents. Il faut également moderniser la muséographie, restaurer le patrimoine historique bâti, entretenir les bâtiments et les locaux, assurer le respect des normes et réglementation. Il faut encore encore satisfaire à la vocation statutaire du musée d’acquérir des œuvres pour les conserver.

(5) Ainsi, s’agissant du risque incendie, la cour des Comptes relève que « du fait de délais importants de conception et d’exécution, le musée s’est trouvé confronté à l’évolution des normes en matière de sécurité incendie, en particulier celles liées au désenfumage, ce qui a rendu nécessaire la reprise de certaines études déjà réalisées, entraînant un nouvel allongement des délais, et in fine, des surcoûts ».

(6) La zone impactée par les pluies diluviennes est située au sud de Valence. Plus de 200 000 personnes vivaient dans cette zone qui comprenait également de nombreuses industries et des commerces. Bien que les pourtours méditerranéens soient régulièrement affectés par des phénomènes pluvieux intenses, le système orageux stationnaire et régénératif qui affecta le secteur valencien ce jour-là fut exceptionnel. Il le fut par sa stationnarité, sa capacité régénérative, son extension et au final par le cumul de pluies déversées. En quelques heures, le Royo, cours d’eau traversant le bassin versant impacté, déborda. Il passa brutalement d’un débit très faible à un débit de 2000 m³/s.

(7) Les principales circonstances des décès furent des personnes piégées dans leur voiture, des piétons emportés par les flots, des personnes noyées en sous-sol, notamment dans les parkings souterrains. L’inondation a endommagé 54 000 ha, affecté 135 000 propriétés et 280 000 logements dont 175 000 résidences principales. Les conséquences économiques furent également majeures. En effet, le coût des dommages a été estimé entre 1 et 2% du PIB espagnol, soit de l’ordre de 22 Md €.

(8) En particulier une absence de maîtrise de l’outil Es-Alerte. Cet outil est issu de la directive européenne du 11 décembre 2018 qui impose à chaque pays de déployer un système d’alerte par téléphone mobile. En Espagne la plateforme est opérationnelle depuis 2022. Des tests avaient été faits dans la région de Valence. La question posée est celle de la sensibilisation et de la formation des autorités en place à l’utilisation de fr. alerte mais aussi celle de la volonté politique de porter le sujet.

(9) À la suite de la grande crue du 14 octobre 1957 ayant affecté Valence, un « Plan Sud » fut mis en place pour détourner le cours du fleuve La Turia au sud de la ville. Si ce plan protège la ville de Valence des inondations, les choix ou non-choix faits par la suite dans l’urbanisation périphérique de la ville ont exposé la population à des événements extrêmes faisant du dispositif d’alerte, lors de l’événement du 29 octobre 2024, le premier et dernier malheureux rempart au désastre.

(10) A Caen, la communauté urbaine avait prévu un important projet d’écoquartier qui mobilisait des friches industrialo-portuaires. Or ce projet se situait sur une presqu’île entre l’Orne et un canal. Au vu des projections du GIEC Normandie sur l’élévation à prévoir du niveau de la mer, la collectivité a renoncé à sa réalisation. Elle s’oriente maintenant vers un projet réversible dans le cadre d’un Projet Partenarial (PPA) d’Aménagement avec l’État.

Éléments bibliographiques

[1] Paquot Thierry, illustrations Laura Folmer, Ménager le ménagement, Topophile, 13 juin 2021

https://topophile.net/savoir/menager-le-menagement/

[2] Sportouch Yoann, Pour un urbanisme du care, L’attention à l’autre pour refaire socié, Ed. L’Aube, 2024, 255 pages

[3] Beck Ulrich, La société du risque, Sur la voie d’une autre modernité, Ed. Flammarion, Paris, Champs Essais 2008, [2003] [1986], 493 p.

[4] Ventura Raffaele Alberto, Notre-Dame et le paradoxe de la sécurité, Trad. Antoine Chatard, Le Grand Continent, 14 avril 2020

[5] Cour des comptes, La conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Premier bilan, rapport de synthèse, septembre 2020

[6] CNRS, Naissance et renaissance d’une cathédrale : Notre-Dame de Paris sous l’œil des scientifiques, Synthèse du colloque interdisciplinaire, 22-24 avril 2024, Cité de l’Architecture et du patrimoine, Paris, 2024

[7] Cour des comptes, L’établissement public du musée du Louvre, Exercices 2018-2024, Rapport public thématique, novembre 2025, 154 p.

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2025-11/20251106-Etablissement-public-musee-du-Louvre.pdf

https://legrandcontinent.eu/fr/2020/04/14/notre-dame-raffaele-ventura/

[8] Association française de prévention des catastrophes Naturelles et Technologiques (AFPCNT), Mission virtuelle de retour d’expérience sur les Inondations survenues en Espagne le 29 octobre 2024, 2025

https://afpcnt.org/projet/mission-virtuelle-de-retour-dexperience-sur-les-inondations-survenues-en-espagne-le-29-octobre-2024/

[9] Johnny Douvinet, Maé Gallet, Freddy Vinet et Maria-Carmen Llasat, Analyse d’une alerte massive arrivée tardivement lors des inondations survenues à Valence (Espagne) le 29 octobre 2024, EchoGéo [En ligne], Sur le Vif, mis en ligne le 15 octobre 2025, consulté le 16 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/echogeo/30425 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14zbe

[10] Ouest-France, Presqu’île de Caen, un projet « réversible » se dessine, 3 septembre 2025

https://www.ouest-france.fr/environnement/amenagement-du-territoire/on-a-cinq-ans-pour-construire-sur-la-presquile-de-caen-un-projet-reversible-se-dessine-d8e66e3c-8037-11f0-a77f-922a296422d8

[11] Sportouch Yoann, L’Urbanisme du care : une éthique professionnelle pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain ? Demain la ville.

https://www.demainlaville.com/lurbanisme-du-care-une-ethique-professionnelle-pour-repondre-aux-enjeux-daujourdhui-et-de-demain/