Changement climatique et risques globaux : les signaux forts de l’été 2019

La préoccupation du changement climatique est à la fois ancienne et permanente. La disparition, le 26 septembre 2019, de l’ancien Président de la République Jacques Chirac nous renvoie à sa déclaration du 18 avril 2002 à Avranches proposant d’adosser à la Constitution une Charte de l’environnement (extraits) :

« […] Les temps ont changé. Il y a quelques décennies, l’environnement n’était pas la première urgence. Depuis, des craintes se sont affirmées, des évidences se sont imposées, une prise de conscience a eu lieu. Jadis, nombre de catastrophes qui endeuillaient le monde apparaissaient comme des phénomènes isolés. Des phénomènes purement naturels, sans liens entre eux, essentiellement imputables à la fatalité.

Or, nous savons désormais, ou nous avons des raisons de penser, que certaines d’entre elles sont la conséquence de changements climatiques […] Nous savons désormais que l’activité humaine peut provoquer des réactions en chaîne sur les équilibres naturels, qu’elle peut créer des situations irréparables. Je pense par exemple à la disparition de la forêt primaire ou à la surexploitation des ressources des océans, qui menacent la richesse biologique du monde. […]

Il y a également les prévisions alarmistes des experts. Elles nous annoncent pour 2020, si nous ne faisons rien, la désertification de la moitié des continents et des difficultés d’accès à l’eau potable pour deux habitants de la planète sur trois.

De tout cela, nous tirons un sentiment d’urgence et de menace. Sentiment que nous ne sommes pas protégés de certains dangers qui pourraient être anticipés, évités, maîtrisés. Sentiment que l’humanité, dans son ensemble, joue avec le feu. […] »

Depuis, dix-sept ans, la connaissance s’est accrue, des efforts ont été déployés pour sensibiliser aux transitions à effectuer, l’Accord de Paris est intervenu mais des adaptations majeures restent à opérer aux différentes échelles pour relever les défis des changements globaux (CG) et le premier d’entre eux, celui du changement climatique. Et 2020, est à notre porte.

Le 25 septembre 2019, veille du décès de l’ancien président, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publiait un rapport spécial sur les évolutions constatées dans les océans et la cryosphère. Ce rapport analyse les répercussions de ces bouleversements planétaires à venir et les options possibles pour l’adaptation des communautés humaines.

L’actualité du changement climatique a tout particulièrement marqué l’été 2019. Au moment de ce qu’il est habituel d’appeler la « parenthèse estivale », les manifestations du changement climatique ont sensibilisé sans discontinuer l’opinion publique et toutes les composantes actives de la société, aux menaces concrètes qui pèsent sur l’habitabilité de la planète à court, à moyen et à long terme.

Cette période n’a pas été vaine. La prise de conscience des transformations à mener pour répondre aux défis posés par le changement climatique et plus généralement par les changements globaux (CG) : changement climatique et ses effets, mais aussi effondrement de la biodiversité, raréfaction des ressources, urbanisation accélérée, révolution numérique, etc. semble enfin effective !

Les CG modifient en profondeur les relations entre sociétés, ressources et risques [a]. Ils nécessitent par conséquent de reconsidérer sans attendre ces rapports dans un sens favorable à l’humanité. Ce chantier de grande ampleur peut s’ouvrir dans de bonnes conditions dès lors qu’il reçoit l’adhésion du plus grand nombre.

L’objet de cet article est d’analyser l’actualité climatique des dernières semaines pour illustrer la période de l’histoire de l’humanité dans laquelle nous sommes entrés, celle des changements globaux produits par l’action humaine, des nouveaux risques qui en résultent. Il est aussi de poser la question des éléments de méthodes à promouvoir pour créer des conditions favorables à la résilience et à l’adaptation des territoires.

Coucher de soleil le 24 septembre 2019 sur la région lyonnaise. L’été tire sa révérence. Photographie de Jacques Boucher.

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Nul ne peut ignorer les signaux forts de l’été 2019 en matière de changement climatique. En dresser un rapide tour d’horizon peut se faire en distinguant les événements selon leur temporalité.

Commençons par les aléas climatiques d’effets directs sur les populations. Ce sont bien évidemment ceux qui ont le plus marqué les esprits.

Deux épisodes caniculaires ont altéré la vie quotidienne de la plupart des français, les obligeant à se confiner chez eux, à réduire ou à maintenir leurs activités dans des conditions difficiles. Ces vagues de chaleur ont submergé la France métropolitaine, respectivement du 24 juin au 7 juillet puis du 21 juillet au 27 août. Un bilan provisoire établi par le ministère de la santé1 fait état d’un impact sanitaire modéré sur les chiffres de la mortalité alors même que les événements ont revêtu un caractère inhabituel et inédit quant à leur extension géographique et au niveau très élevé atteint par les températures.

Le fait que l’impact humain ait été modéré ne signifie pas pour autant que ces épisodes météorologiques soient insignifiants. Survenant après les épisodes de 2015 et 2018, ils consacrent en effet « la canicule » comme une nouvelle composante du paysage météorologique français. Si cet aléa climatique était quasiment inconnu dans notre pays au siècle dernier, il devient, au même titre que la sécurité routière par exemple, un sujet « ordinaire » de sécurité publique.

Les incendies de forêts ont été particulièrement actifs dans le sud de la France. Ils ont été maîtrisés, non sans difficultés. La population a été épargnée mais la lutte contre le feu a coûté la vie à un pilote de canadair. Comme ce fut le cas les années passées, la résilience a joué, évitant le pire, mais elle est fragile. Le défi devra être relevé chaque année en responsabilisant la population et en resserrant l’action collective des acteurs de l’aménagement, de la prévention et de la lutte contre le feu. Les incendies menacent également des régions situées au nord de la France, qui jusqu’ici en étaient préservées ce qui nécessitera d’y déployer une culture de prévention et de défense contre le feu qui en était souvent absente.

La sécheresse s’est accentuée tout au long de l’été ; ses stigmates sont encore bien présents en début d’automne. Elle a induit des restrictions préfectorales d’usage de l’eau dans la majeure partie des départements français. Elle a sévi superficiellement et aussi en profondeur, affectant les nappes et les réserves hydriques de façon parfois inédite. Le manque d’eau affecte gravement les agriculteurs et les forestiers, c’est-à-dire ceux dont les activités sont immédiatement tributaires des conditions météorologiques. Elle a endommagé des habitations construites sur des terrains sujets au phénomène de retrait-gonflement des argiles. Elle a perturbé encore les services publics en mettant en péril localement l’approvisionnement en eau. La sécheresse fait surgir le spectre d’une raréfaction de la ressource hydrique, jusqu’ici relativement abondante en France.

Ces différents aléas : canicules, sècheresse, incendies de forêts, interagissent entre eux. Ainsi, la canicule aggrave la sècheresse qui favorise les conditions propices aux incendies de forêts. Les acteurs locaux et les autorités publiques doivent faire face de façon impromptue aux situations critiques produites localement par les concomitances de ces phénomènes.

A l’échelle nationale comme à des échelles plus locales, des dispositifs ont pour objet de répondre aux détresses humaines résultant de ces événements. Ils permettent la sauvegarde des populations, limitent les atteintes aux biens et aux activités. La résilience joue mais, comme chaque fois, elle nécessite d’être réexaminée : est-elle suffisamment robuste pour opérer, année après année, dans le contexte d’accentuation continue de la pression climatique ?

Les perturbations climatiques de l’été 2019 ont joué un rôle de test en grandeur nature vis-à-vis des conditions météorologiques sévères du futur. Elles ont révélé tout à la fois l’efficacité en France des dispositifs de réponse aux aléas climatiques, et, tout autant, leur fragilité lorsque les situations deviennent critiques. Les enseignements tirés de ces événements invitent à retravailler en permanence les modalités de la protection collective apportée par les institutions, dans le sens attendu d’une sécurité des territoires que l’on peut ici qualifier de globale compte-tenu de l’étendue des problématiques soulevées par les CG.

Outre les aléas précités, directement observables par les dommages causés, l’élévation continue des températures produit des effets préjudiciables différés, moins apparents : progression vers le nord des moustiques-tigres, altération de la qualité des eaux continentales, fonte des glaciers et du permafrost en montagne, érosion régulière des littoraux, acidification des océans et montée des eaux. Les effets induits sont à chaque fois multiples. A titre d’exemple, la fonte du permafrost en France porte atteinte au patrimoine naturel, met en péril des activités hivernales liées au manteau neigeux, fragilise des massifs rocheux, des infrastructures et des constructions en haute-montagne. Les gestionnaires des territoires et des infrastructures doivent faire preuve de vigilance pour surveiller les signes de défaillance possibles et prévenir leurs effets.

Un autre type de risque est encore généré par des aléas qui, se produisant en des lieux particuliers de la planète, peuvent avoir à grande distance des implications dommageables, à court ou moyen termes. Ce type d’effets distanciés n’est pas inédit. L’éruption en 1815 du volcan Tambora, en Indonésie constitue un événement de référence. Cette éruption fit des milliers de victimes localement mais elle modifia aussi le climat planétaire pendant quelques années. L’année 1816 est ainsi connue comme « l’année sans été ». Des perturbations climatiques majeures s’observèrent alors aux États-Unis, en Europe et en Chine2. Cet effet en cascade perd aujourd’hui son caractère exceptionnel du fait des effets systémiques favorisés par les CG.

La période estivale 2019 a été ainsi ponctuée de catastrophes éloignées de notre Pays. Les médias ont rapporté la fonte de la banquise et du permafrost dans les régions Arctique. Les incendies en Sibérie, en Amazonie ou encore en Indonésie sont également des marqueurs de ce type de menaces. Les observations satellitaires, menées par exemple par la NASA, rendent compte en temps réel des « points chauds » de la planète, véritables accélérateurs du changement climatique.

Désastreuses localement, ces catastrophes majeures sont aussi emblématiques d’un risque global par leur ampleur et par les lieux du globe qu’elles touchent, considérés comme névralgiques pour l’habilité future de la planète. Elles posent la question de la capacité des États concernés, pourtant bien structurés, de les prévenir ou d’y faire face de façon autonome dans des conditions satisfaisantes. La résilience n’implique-t-elle pas une coopération internationale forte ?

L’été 2019 a vu encore les perspectives alarmantes du changement climatique documentées sur le temps long. La période estivale a ainsi vu la production de nouveaux rapports scientifiques ou techniques dont celui du GIEC du 9 août 2019. Élaboré par plus de cent experts provenant d’une cinquantaine de pays, ce rapport portait sur la thématique du changement climatique et des terres émergées. Il alerte en particulier sur la désertification, la dégradation des sols, la nécessité d’une gestion durable des terres, le risque porté à la sécurité alimentaire. La projection sur le futur traite des actions à engager pour accroître la résilience des territoires et réduire leur vulnérabilité.

Paru le 29 août 2019 aux Presses de Sciences-Po, un atlas de l’anthropocène décrit les bouleversements en cours, depuis le changement climatique en passant par l’érosion de la biodiversité, les évolutions démographiques et les catastrophes naturelles.

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Les événements et informations ayant marqué l’été 2019 [la revue précédente n’est pas exhaustive] ont créé une sorte « d’ébullition sociétale » qui s’est exprimée dans les médias et les réseaux sociaux. Les faits rapportés ont été corrélés, réinterprétés presque en temps réel, en regard des modèles d’évolution pré-établis.

S’en sont suivis des débats de société et des prises de position politiques y compris au sein des instances de gouvernance mondiales (G7). De grandes entreprises ont communiqué sur des stratégies de compensation ou d’évitement des évolutions climatiques à venir. Des « think tank » se mobilisent pour éclairer et influencer le débat sur la transition énergétique, en France et en Europe3. La jeune égérie du climat, Greta Thunberg, s’est exprimée à l’assemblée nationale. Le 17 septembre 2019, un collectif de représentants des dirigeants de l’enseignement supérieur a appelé dans une tribune à agir face aux enjeux écologiques en rendant obligatoire la formation des étudiants à cette question. Enfin, « l’été climatique » s’est achevé par un sommet de la jeunesse pour le climat, tenu à l’ONU le 21 septembre 2019.

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L’actualité climatique de l’été 2019 illustre le nouveau stade de l’histoire de l’humanité dans lequel nous sommes récemment entrés, dénommé communément « anthropocène ». Pour le comprendre de façon très simple, distinguons trois stades successifs de la relation de l’homme à son environnement planétaire.

1/ Un premier stade de l’histoire de l’humanité correspond aux sociétés traditionnelles. Sédentaires ou nomades, celles-ci exploitaient leur environnement de proximité en utilisant des méthodes simples et des outils rudimentaires qui ne modifiaient pas durablement les écosystèmes. L’activité de l’homme n’entachait pas les agents naturels.

Les populations se protégeaient des déchaînements de la nature en mobilisant des savoirs vernaculaires et en acceptant des pertes. Elles subissaient de temps à autre des calamités destructrices sans pouvoir les anticiper, faute de connaissances et de moyens d’observations.

2/ Un deuxième stade de l’histoire de l’humanité est celui où l’homme a entrepris d’aménager les territoires pour satisfaire ses besoins. Ce faisant, il a exploité de plus en plus fortement les ressources naturelles, considérées à tord comme inépuisables. En développant les techniques et les outillages, en repoussant toujours plus les limites de son action, il a marqué de son empreinte les agents naturels (terre, air, eau), sans que cette empreinte ait eu à ce stade un impact en retour sur l’habitabilité globale de la planète. On pourrait pour cette raison qualifier cette empreinte humaine de « passive ».

Les échanges de biens à l’échelle de grands territoires prémunissaient l’homme des aléas climatiques localisés. Les dommages produits localement par les catastrophes naturelles étaient largement compensés par des gains de richesse. Au fur et à mesure que les sociétés se sont organisées, réduire les catastrophes et compenser les dommages subis sont devenus des perspectives offertes par des dispositifs de prévoyance et par la réalisation … de nouveaux aménagements.

3/ Dans les dernières décennies, l’action anthropique s’est massifiée. Les interactions entre l’homme et les agents naturels se sont intensifiées. Des seuils d’acceptabilité par les écosystèmes ont été franchis. A l’échelle planétaire, les agents naturels sont sollicités ou altérés au-delà de leur capacité de régénération. L’homme marque toujours plus l’environnement de son empreinte locale, mais cette empreinte a aussi, en retour, un impact global sur la planète. Un troisième stade de développement de l’activité humaine s’est ouvert, caractérisé par les effets systémiques de ses activités. On pourrait qualifier alors cette empreinte humaine « d’active ».

L’ensemble « action anthropique/agents naturels » fait aujourd’hui système, c’est-à-dire que les impacts des activités humaines sur les agents naturels rejaillissent globalement sur l’habitabilité de la planète. Cette rétro-action génère des changements globaux dont les aléas précités de l’été 2019 sont des manifestations concrètes bien qu’encore modérées.

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Le monde change ; les sociétés doivent accompagner ces changements par des projets fédérateurs rendant l’avenir désirable pour les générations futures. De multiples initiatives pionnières sont déjà prises montrant des voies à suivre. Les grandes transformations sociétales à opérer sont également bien identifiées. Elles portent en particulier sur la consommation d’énergie, les pratiques alimentaires ou encore les modalités de transport4.

Les menaces qui pèsent sur le devenir de l’humanité obligent de toute façon à bouger. Or, attendue aux différentes échelles, l’action se heurte à de multiples écueils qu’il est nécessaire de discerner. Nous avons identifié :

– la tentation d’agir à la marge, par simple ajustement des pratiques anciennes sans les reconsidérer en profondeur. Ces ajustements sont pour le moins nécessaires mais ils ne suffiront pas. Ils s’inscrivent dans la période de l’histoire humaine précitée, qui n’est plus ; celle des limites que l’on peut toujours repousser sans en subir les conséquences en retour.

– l’acceptation résignée de la période « rétro-active » dans laquelle nous sommes entrés, par peur de ne pas être en mesure de relever les défis posés. La peur est cependant mauvaise conseillère. Elle fait obstacle à l’action collective, une composante essentielle de la résilience.

– le règne de l’urgence, en réaction à l’inertie. Or, la précipitation peut être source de contre-performance, de décrochages sociétaux, d’angoisse existentielle et encore d’essoufflement dans ce qui ressemble à une course de fond.

Ces attitudes de rejet, de repli ou de désarroi sont profondément humaines. Les plus grands penseurs les ont bien analysées. Hannah Arendt s’est effrayée de la tendance de l’homme à se détourner des réalités les plus essentielles pour se replier sur lui-même au lieu de les affronter [b]. Norbert Élias a identifié des attitudes irrationnelles adoptées collectivement pour fuir une réalité menaçante [c]. Face aux défis posés par une réalité exigeante, Clément Rosset a lui aussi montré la fragilité humaine. L’individu, au regard « fuyant », préfère se bercer d’illusions. Le plus souvent, il perçoit les choses, mais préfère se voiler la face que de les prendre en compte [d].

L’ancien président français Jacques Chirac affirmait lui-même en 2002 au sommet de Johannesburg : « La maison brûle et l’on regarde ailleurs », énoncé qui est entré dans l’histoire.

Quant à François Ewald, il déclarait dès 1996 :  »La peur dont nos sociétés avaient peut-être cru pouvoir s’affranchir, en fonction de l’utopie progressiste, revient sous une nouvelle forme » [e]. Les changements globaux précipitent cette perte de confiance dans le progrès. La relation au risque s’est inversée ; de positive, elle est devenue négative .

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Au vu des événements de l’été 2019, on peut dire que l’actualité climatique a mis sous tension le processus historique engagé par l’homme pour se détacher du passé et se projeter dans l’avenir, que l’on appelle « modernité ». Ce processus de changement a extrait les activités humaines de leur échelle locale pour les recomposer en combinant les échelles spatio-temporelles [f]. Il a utilisé la connaissance comme moyen de réviser en permanence ses pratiques. Or, sur ces bases, la modernité s’est d’une certaine façon autonomisée en faisant système avec les agents naturels, inaugurant l’ère de l’anthropocène.

Élaborer les bonnes réponses pour faire face aux CG en cours requiert des éléments de méthode. Ce besoin est rarement identifié comme nécessaire pour lever les obstacles à l’action.

Parmi les éléments de méthodes, figure en bonne place la réflexion collective, qu’Edgar Morin a toujours défendue :  » […] Aujourd’hui, toutes ces connaissances fragmentaires ont quelque chose de mortel. On a créé des catastrophes naturelles en détournant des fleuves en Sibérie ou en faisant des barrages inconsidérés, on a détruit des cultures dans une logique économique close. Il s’est développé ce que j’appellerai une intelligence aveugle aux contextes et qui devient incapable de concevoir les ensembles. Or nous sommes dans un monde où tout est en communication, en interaction…[g] ».

La question de méthode se pose aussi aux territoires. Des collectivités se sont engagées dans l’élaboration de stratégies de résilience sous l’égide du réseau Resilience cities mis en place par la Fondation Rockefeller.

Introduite par Pierre Veltz pour traiter de compétitivité économique des territoires [h], la notion de monitorage territorial, est également mobilisable. Par monitorage, il faudrait entendre ici un suivi institué à l’échelle territoriale des évolutions et des contextes, des événements et des mutations liés aux CG. Le monitorage recouvrirait également les initiatives prises par les acteurs des territoires pour s’engager dans la prise en considération, des effets induits de leurs interventions. Il s’agit donc d’admettre une bonne fois pour toute que si des activités s’exercent de façon autonome, dans la nouvelle période historique où nous sommes entrés, elles interagissent entre elles.

Tenir compte de ces interdépendances nécessite de recréer des espaces de confiance permettant à l’activité humaine d’être de nouveau … favorable à l’homme. Rétablir la confiance dans la capacité de l’homme à régir son avenir de façon positive nécessite d’établir des conditions de réflexions permettant des décisions réfléchies, flexibles, évaluées et réajustées. Il convient de renouer avec l’esprit de sagesse [8], attribué autrefois aux « anciens », comme moyen de tisser des liens porteurs de sens entre connaissance et actions, là où, trop souvent encore, le recours aux technologies est vu comme le remède miracle, évitant de se poser des questions.

Confrontés aux CG, les territoires revitaliseront sans doute leur fonction première d’assurer la reproduction et la satisfaction des besoins vitaux d’une population en mobilisant un système de ressources (localisées ou non) et un héritage construit et mémorisé [j]. Cette fonction rend sous-jacente la notion de sécurité, appelée à devenir globale. Créer des conditions favorables à la résilience et à l’adaptation répond par conséquent à la vocation même des territoires. L’été 2019 a lancé des signaux forts dans ce sens.

Références utilisées

[a] Denis Lamarre, Les métamorphoses du climat, Éditions universitaires de Dijon, 2016

[b] Hannah Arendt Qu’est ce que la politique ? Paris, Éditions du Seuil, Coll.  »Points », 2001

[c] Norbert Élias, La société des individus, Paris, Éditions Fayard, Coll ;  »Agora », 2006

[d] Clément Rosset, Le réel et son double, Paris, Éditions Gallimard, coll.  »Folio Essais », 2007 (1993, 1976)

[e] François Ewald Philosophie de la précaution, L’année sociologique, Volume 46 n°2 1996

[f] Anthony Giddens, Les conséquences de la modernité, Éditions L’Harmattan, 1994

[g] Boris Cyrulnick et Edgar Morin, Dialogue sur la nature humaine. Éditions de l’Aube. Juin 2004

[h] Pierre Veltz, La grande transition, Éditions du Seuil, mars 2008

[i] Juergen Weichselgartner, John Norton, Guillaume Chantry, Emilie Brévière, Patrick Pigeon et Bernard Guézo, « Culture, connaissance et réduction des risques de catastrophe : liens critiques pour une transformation sociétale durable », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 16 numéro 3 | décembre 2016, mis en ligne le 20 décembre 2016, consulté le 26 septembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/18130 ; DOI : 10.4000/vertigo.18130

[j] Maryvonne Le Berre, Territoires, encyclopédie de la géographie, Éditions Economica, Paris, 1992

1 Selon un communiqué de presse du ministère de la santé, la surmortalité a été limitée au regard de l’intensité de l’épisode subi cette année : 1 480 décès supplémentaires ont été enregistrés par rapport à la moyenne observée aux mêmes périodes des années sans épisode de canicule. Le rapport est de 1 à 10 par rapport à l’été caniculaire 2003.

2 http://www.meteo-paris.com/actualites/1816-l-annee-sans-ete-apres-l-eruption-du-tambora-04-avril-2016.html

3 The carbon transition think tank par exemple se veut une force de proposition contribuant à faire partager les solutions, développer des outils, identifier les ruptures nécessaires et baliser les chemins d’accès à de nouveaux modèles de développement.

4 Quotidien La Croix du 23 septembre 2019. Trois leviers pour agir sur le climat